FAQ

LISTE DES QUESTIONS LES PLUS FREQUENTES

Qu’est-ce que le Mutisme Sélectif (MS)?

Le mutisme sélectif est un trouble de l’enfance qui se définit par les caractéristiques suivantes (Association américaine de psychiatrie, 1994) :
A. L’enfant ne parle pas dans certaines situations sociales (par exemple à l’école) alors qu’il parle dans d’autres situations (par exemple à la maison).
B. Le problème a un impact sur la vie scolaire ou sociale.
C. La durée du problème est de plus d’un mois.
D. Le fait de ne pas parler n’est pas dû à une maîtrise insuffisante de la langue.
E. On peut exclure d’autres causes comme des troubles de la communication, la schizophrénie, etc.

Pour lire la description du Mutisme Sélectif dans le DSM5, cliquez ici.
Le DSM-5 est la cinquième édition du DSM (de l’anglais Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) ou Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association Américaine de Psychiatrie (APA).


Le MS est-il fréquent ?

D’après les chiffres les plus fiables, le mutisme sélectif toucherait environ 7 enfants sur 1000 (Bergman, Piacentini, & McCracken, 2002).

Selon Maggie Johnson et Alison Wintgens dans The Selective Mutism Resource Manual (2ème Edition 2016), la prévalence serait de 1 enfant sur 140 pour la catégorie des moins de 8 ans.

On estime que le mutisme sélectif est chroniquement sous diagnostiqué (Aubry & Palacio-Espasa, 2003), et cela pour une série de raisons : le fait qu’on le confonde souvent avec la timidité et qu’on estime que « cela va passer », le manque d’informations dont disposent tant le grand public que les professionnels de l’enfance, etc.

Il semble que le mutisme semble légèrement plus fréquent chez les filles que chez les garçons, dans un rapport de 1.2 pour 1 environ ((Black et Uhde, 1992; Black et Uhde, 1995; Cunningham et al, 1994; Hayden, 1980; Kumpulainen et al., 1998; Kolvin et Fundudis, 1981; Steinhausen et Juzi, 1995; Tancer, 1992; Wilkins, 1985; Wright, 1968). Il est en revanche sensiblement plus élevé chez les enfants de migrants (Bradley & Sloman, 1975; Brown & Lloyd, 1975; Lesser-Katz, 1986; Toppelberg et al. 2005) et les enfants bilingues (Vlassopoulos & Anagnostopoulos, 2006). On ne dispose malheureusement pas de chiffres sur la prévalence du MS chez les adultes.


Devons-nous nous en préoccuper ?

La réponse est oui : si votre enfant souffre de mutisme sélectif, mieux vaut prendre des mesures sans trop tarder, et ce pour plusieurs raisons :

1) Les études sur le suivi des enfants mutiques montrent qui si certains enfants peuvent évoluer spontanément, d’autres restent handicapés par leur mutisme sélectif jusqu’à l’adolescence, voire parfois jusqu’à l’âge adulte. Attendre une guérison spontanée est donc un pari dangereux sur l’avenir.

2) D’après la théorie la plus communément admise, le MS est un comportement appris : l’enfant le développe comme un système de défense contre l’angoisse qu’il ressent dans certaines situations sociales. Plus le temps passe et plus il devient difficile de « désapprendre » ce comportement et de le remplacer par une réponse plus adaptée. Il y a consensus pour dire que le traitement sera d’autant plus efficace qu’il débute tôt. 3) Certaines personnes sorties de leur mutisme restent gênées, dans leur vie d’adulte, par d’autres problèmes tels que la phobie sociale. Mieux vaut donc donner à votre enfant toutes ses chances en l’aidant quand il est encore petit.


Quelle est la nature du problème ?

Si le mutisme sélectif est actuellement classé par le DSM V parmi les « autres troubles de l’enfance et de l’adolescence », la grande majorité des spécialistes considèrent aujourd’hui le MS comme un trouble anxieux (Anstendig, 1999; Dow et al, 1995 ; Dummit et al, 1997), voire comme une manifestation de phobie sociale (Black & Uhde, 1992 ; Black & Uhde, 1995 ; Crumley, 1990 ; Golwyn & Weinstock, 1990). L’argumentation la plus structurée est fournie par Black & Uhde (1995) qui fournissent 7 arguments en faveur de la reclassification du MS comme un symptôme ou un type particulier de phobie sociale :

1) L’anxiété sociale est une caractéristique universelle des enfants atteints de MS. Dans l’étude de Black & Uhde (1995), c’est par ailleurs le seul trouble qui distingue les enfants mutiques des autres.

2) Il y a corrélation entre la sévérité du mutisme et la sévérité de l’anxiété sociale telle qu’estimée par les parents.

3) La proportion de filles / garçons atteints de MS est similaire à celle des études sur la phobie sociale ou la personnalité évitante (Black & Uhde, 1992 ; Beidel, 1991).

4) La peur de prendre la parole en public ou de parler à des personnes peu familières est l’un des symptômes les plus fréquents manifestés par les adultes atteints de PS.

5) La prévalence de PS et la prévalence de MS sont particulièrement élevées chez les parents d’enfants atteints de MS, de même que la prévalence de la PS est élevée dans les familles de sujets adultes souffrant de PS.

6) Certains traitements pharmaceutiques reconnus comme efficaces dans le traitement de la phobie sociale chez les adultes, comme les inhibiteurs de recapture sélective de la sérotonine (fluoxétine, etc.), se sont avérés efficaces dans le traitement du MS (Black & Uhde, 1992 ; Black & Uhde, 1994 ; Golwyn & Weinstock, 1990).

7) Certains résultats suggèrent que les enfants mutiques peuvent continuer à souffrir de phobie sociale même après la fin du mutisme.


Quelle est la cause du problème ?

On ne connaît pas, à strictement parler, les causes du mutisme sélectif. On suppose en réalité qu’il n’y a pas de cause unique, mais qu’une combinaison complexe de facteurs sont à l’oeuvre.

Johnson et Wintgens (2001) apportent un éclairage intéressant en distinguant les facteurs qui prédisposent au mutisme, les facteurs qui précipitent/déclenchent le mutisme et les facteurs qui perpétuent le mutisme.

Parmi les facteurs qui prédisposent au mutisme, citons la présence fréquente de timidité, d’anxiété sociale ou même de mutisme sélectif dans l’histoire familiale et en particulier chez les parents (Dow et al., 1995 ; Kolvin & Fundudis, 1982). Brown & Lloyd (1975) rapportent que les enfants mutiques sont beaucoup plus susceptibles que la moyenne d’avoir un ou deux parents timides (51% contre 7%) et d’avoir un frère ou une soeur atteint également de MS. Chez Black & Uhde (1995), la proportion de phobie sociale chez les parents du 1er degré atteint 70%. D’autres études montrent une prévalence élevée de MS dans le passé des parents d’enfants mutiques (Black & Uhde, 1995 ; Browne et al., 1963 ; Pustrom & Speers, 1964). La question de savoir si l’anxiété des parents est transmise génétiquement ou si elle résulte de l’éducation reste ouverte. D’éventuels troubles ou retards de langage constituent également un facteur prédisposant, de même que le bilinguisme.

Parmi les facteurs qui déclenchent le mutisme sélectif, l’entrée à la crèche ou à l’école est sans doute le plus visible. L’immigration et le fait pour l’enfant d’être plongé dans un nouvel environnement linguistique en est également un exemple, de même que la prise de conscience par l’enfant d’un problème de langage ou les moqueries d’autrui (Johnson et Wintgens, 2001).

Enfin, certains éléments risquent de conforter ou d’aggraver le mutisme comme l’absence de prise en charge du problème, l’isolement social ou encore la pression exercée sur l’enfant pour qu’il parle.


Mon enfant n’est-il pas simplement timide ?

Dans les forums, il est fréquent que des personnes qui pensent bien faire s’efforcent de rassurer les parents d’enfants atteints de mutisme en leur expliquant qu’il est « normal d’être timide et que cela passera ». Le conseil n’est malheureusement guère judicieux et peut s’avérer contre-productif. Nombre d’études indiquent qu’il s’écoule le plus souvent plusieurs années entre le déclenchement du problème et la première consultation (Aubry et Palacio-Espasa, 2003 ; Hayden, 1980; Kolvin et Fundudis, 1981; Krohn et al., 1992; Wergland, 1979; Wright, 1968; Wright et al., 1985). Wright et al. (1985), dans une revue de la littérature portant sur 47 publications (81 cas), rapporte ainsi un âge moyen de 4.9 ans pour le début du trouble et 8.3 ans pour la première consultation. En général, les parents se disent que leur enfant est timide et que cela passera avec le temps. Or, un enfant mutique est le plus souvent un enfant timide (Black & Uhde, 1992 ; Dow et al., 1995 ; Steinhausen et Juzi, 1996 ; Wright et al., 1995), mais l’inverse n’est pas vrai : la grande majorité des enfants timides parlent (même s’ils parlent peu, ou seulement après un temps d’acclimatation) aux adultes qui ne font pas partie de leur entourage proche. Le mutisme sélectif est un problème spécifique qui nécessite une approche adaptée.


Un enfant souffrant de MS a-t-il été traumatisé ?

Certains auteurs, par le passé, ont émis l’hypothèse que le MS pouvait être causé par des abus sexuels, de la maltraitance ou d’autres traumatismes majeurs (ex. Launay et al., 1949 ; Von Misch, 1952). Si de tels cas sont toujours possibles, ils restent exceptionnels : les études à large échelle n’ont pas mis en évidence de traumatismes particuliers dans le passé des enfants mutiques (Black et Uhde, 1995 ; Steinhausen et Juzi, 1996 ; Dummit, Klein et al., 1997).


Une personne atteinte de mutisme sélectif refuse-t-elle de parler ?

C’est en 1877 qu’on trouve les premiers cas de mutisme sélectif bien documentés, sous le travail d’un docteur allemand, Adolphe Kussmaul (1822- 1902). On parle à cette époque d’Aphasia Voluntaria, qui voulait dire « Absence de parole volontaire ». Plus tard, en 1934, Moritz Tramer, un psychiatre suisse, utilise le terme de mutisme sélectif, qui sous-entendait que les enfants choisissaient de ne pas parler, que l’absence de parole était un refus volontaire de la part des enfants.

La première édition de la classification des troubles aux USA (Diagnostical and Statistical Manual (DSM) est publiée en 1952 et ce n’est qu’en 1980 que le « Mutisme Électif » y est inclus. Mais la définition décrit toujours le phénomène comme le refus continu de parler dans la plupart des situations, et précise que les facteurs prédisposant incluent : le retard mental, le traumatisme, la surprotection maternelle.

Il faut attendre 1994 (il y a seulement 23 ans !) pour que les spécialistes changent le terme en Mutisme Sélectif. On estime que le terme actuel reflète de façon plus exacte cette condition, dans laquelle l’enfant se sent à l’aise pour parler seulement dans une sélection de situations particulières.

Malgré ce changement de nom, la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM 10 – Chapitre V – Troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement durant l’enfance et l’adolescence (F90-F98) mardi, 1er juillet 2003 / OMS, F94 : Troubles du fonctionnement social apparaissant spécifiquement durant l’enfance et l’adolescence) définit encore le mutisme « électif » comme un « trouble caractérisé par un refus, lié à des facteurs émotionnels, de parler dans certaines situations déterminées. L’enfant est capable de parler dans certaines situations, mais refuse de parler dans d’autres situations (déterminées). »

F94-0 Mutisme électif/ Mutisme sélectif

Trouble caractérisé par un refus, lié à des facteurs émotionnels, de parler dans certaines situations déterminées- L’enfant est capable de parler dans certaines situations, mais refuse de parler dans d’autres situations (déterminées)- Le trouble s’accompagne habituellement d’une accentuation nette de certains traits de personnalité, par exemple d’une anxiété sociale, d’un retrait social, d’une hypersensibilité ou d’une opposition.

Il est extrêmement important de souligner que cette vision, encore parfois véhiculée : – n’est absolument plus en phase avec la recherche contemporaine, les auteurs s’entendant aujourd’hui largement pour faire du mutisme sélectif un trouble anxieux; – est en contradiction totale avec le témoignage des personnes atteintes du mutisme, qui font régulièrement part de leur envie de parler mais qui s’en disent simplement incapables ; – est dangereuse en ce qu’elle peut induire des comportements inappropriés de la part des proches et des éducateurs/enseignants (comme forcer l’enfant à parler, tenter de briser son refus) ou des prises en charge inadaptées de la part des professionnels.


Quels sont les problèmes auxquels les parents d’enfants mutiques sont confrontés ?

Les parents d’enfants mutiques vivent souvent un ou plusieurs des problèmes suivants :

– La difficulté à prendre conscience du problème de leur enfant. Cette difficulté naît d’une série de facteurs : l’enfant mutique a généralement à la maison le comportement le plus normal du monde; il ne pose gère de problèmes à l’école; le mutisme sélectif est peu connu; il est souvent pris pour de la simple timidité. Il faut donc généralement assez longtemps aux parents pour réaliser que leur enfant a besoin d’aide.

– La difficulté à faire comprendre le mutisme à l’entourage : lorsque les parents ont réalisé que leur enfant était atteint de MS, il faut encore expliquer le trouble à toute une série d’acteurs (famille, amis, enseignants, etc.) qui n’en ont souvent aucune connaissance a priori.

– La difficulté à trouver un(e) spécialiste : lorsque les parents décident de consulter un thérapeute pour poser le diagnostic, très peu de professionnels sont aujourd’hui spécialisés dans le traitement du MS, si bien que trouver la personne adéquate, en particulier loin des grands centres urbains, est loin d’être chose simple.

– La difficulté à obtenir de l’aide de la part de l’école : il est généralement admis que l’aide, pour être couronnée de succès, exige la collaboration étroite entre les parents de l’enfant et le personnel de l’école. Certains directeurs et certains enseignants sont extrêmement à l’écoute du problème et mettent en oeuvre tout ce qu’ils peuvent pour aider l’enfant; dans d’autres cas, les parents peuvent cependant se plaindre du manque de soutien ou d’écoute.

– Les dégâts causés par les points de vue erronés sur le MS : nombre de « mythes » traînent sur le MS, et sont souvent colportés aux parents, avec aplomb, au moment où ceux-ci sont particulièrement vulnérables et en recherche de réponses. Dans le cas le plus anodin, on culpabilisera la mère parce qu’elle est « surprotectrice »; dans les cas les plus tragiques, un père pourra être soupçonné de maltraitance grave ou d’abus sexuel sur son enfant. Dans certains cas, ces difficultés peuvent générer des tensions au sein des couples. Les enseignants pourront également vivre le MS comme un échec personnel, ne sachant pas quoi faire pour aider leur élève.


Faut-il que les enfants atteints de MS soient placés dans des classes avec d’autres enfants de leur âge

ou dans des classes spécialisées ? En ce qui concerne la majorité des enfants mutiques, il est tout à fait approprié et nécessaire qu’ils suivent le cursus normal. Dès le début, il est important d’assurer une socialisation adéquate à l’enfant et de faire en sorte que les objectifs scolaires puissent être atteints. A moins qu’il y ait d’autres facteurs qui justifient que l’enfant soit placé dans une institution spécialisée (tels que des troubles sévères de l’apprentissage ou d’autres éléments qui empêchent l’enfant d’apprendre ou de se socialiser), il est tout à fait vital de permettre à l’enfant de suivre une scolarité standard. Les enfants souffrant de mutisme sélectif sont en proie à l’anxiété, mais grâce à la mise en place d’une stratégie adéquate développée par un thérapeute professionnel compétent, l’école et les parents peuvent œuvrer dans un but commun qui est de créer un climat de confort et de confiance pour permettre à l’enfant de progresser de façon tout à fait positive. On peut atteindre ce but en partie grâce à des accommodations spéciales au sein de la salle de classe. Les enfants atteints de MS ont tendance à être intelligents, sensibles, introspectifs et perceptifs, et ont tout à gagner en participant à la vie de classe, tout en étant également un atout pour la classe. Leur perception, leur créativité, leur désir d’apprendre et leur intelligence peuvent et devraient être entretenus au sein de la classe.

Source : Comprendre le mutisme sélectif, Elisa Shipon-Blum, Chronique Sociale, 2009


Quelle est la relation entre le mutisme sélectif et la phobie scolaire ?

Les enfants mutiques éprouvent une peur innée et/ou de l’anxiété lorsqu’ils se trouvent dans des situations sociales, telles qu’à l’école. En réponse à cela, il arrive parfois que certains enfants essaient d’éviter d’aller à l’école. Cela peut être dû aux symptômes physiques que certains ressentent et qui accompagnent l’anxiété. Les maux de ventre, la nausée, les maux de tête, etc. peuvent donner envie à ces enfants d’éviter l’école pour soulager leurs symptômes. La peur du ridicule, des interactions sociales, de faire des erreurs, de se changer en cours de sport, etc. sont autant de situations qui peuvent provoquer chez ces enfants l’envie de rester à la maison. Au fil du temps, s’ils ne reçoivent pas d’aide, ces enfants vont éviter d’aller à l’école ou de se rendre dans d’autres lieux à caractère social comme moyen d’alléger leur anxiété. Ils se rendent compte, consciemment ou non, qu’ils se sentent plus calmes et plus à l’aise dans le confort de leur domicile et sans le stress qu’ils ressentent en milieu scolaire. Il arrive alors que les parents aient les plus grandes difficultés à faire en sorte que leur enfant aille à l’école ou soient eux-mêmes réticents à envoyer leur enfant à l’école au cas où il serait véritablement malade.

Source : Comprendre le mutisme sélectif, Elisa Shipon-Blum, Chronique Sociale, 2009


En quoi consiste le procédé d’évaluation d’un enfant que l’on croit atteint de MS ?

Un thérapeute familier du MS devrait s’entretenir avec les parents de l’enfant. L’accent sera mis sur les interactions sociales et l’historique du développement de l’enfant, ainsi que ses caractéristiques comportementales, (y compris tout retard de langage ou problème d’audition), l’histoire familiale (des antécédents familiaux comprenant des problèmes liés à l’anxiété ou la dépression sont monnaie courante), traits de personnalité (timidité, tempérament inhibé), une description de la vie familiale (stress familial, divorce, décès, etc.), et l’histoire médicale. Après l’évaluation des résultats de ce premier entretien, le professionnel rencontre l’enfant. Bien que la plupart des enfants mutiques ne parlent pas au thérapeute qui pose le diagnostic, celui-ci peut néanmoins passer du temps avec l’enfant dans le but de le mettre en confiance et pour évaluer ses compétences de communications et ses capacités à interagir. Avec le temps et beaucoup de patience, l’enfant va être capable de communiquer avec le clinicien par des moyens non parlés, expressions des yeux, langage du corps, mimiques faciales, par écrit, etc. Puisque environ 20 à 30% des enfants atteints de MS ont une anormalité légère du langage, une évaluation complète du langage et de la façon de parler est souvent demandée si on a le moindre doute. En plus de cela, si le diagnostic n’est pas clair, il est recommandé de faire un examen de santé complet comprenant des tests d’audition, des tests standardisés, des évaluations psychologiques et du développement. Filmer l’enfant dans son cadre de vie ou dans un environnement dans lequel il se sent à l’aise peut souvent s’avérer utile pour vérifier que l’enfant est en mesure de verbaliser normalement dans au moins un environnement.

Source : Comprendre le mutisme sélectif, Elisa Shipon-Blum, Chronique Sociale, 2009


Est-il approprié de permettre aux enfants plus âgés d’enregistrer leurs leçons à la maison, puis de laisser l’enseignant écouter cet enregistrement ?

Le fait d’enregistrer les leçons, que ce soit à l’aide d’équipement audio ou vidéo, est approprié, surtout en supposant qu’un objectif soit mis en place visant à la verbalisation progressive. Par exemple, un enseignant pourra permettre à l’enfant d’enregistrer ses leçons ou devoirs à la maison, puis l’étape suivante sera d’encourager l’enfant à s’enregistrer dans la salle de classe en présence uniquement d’un de ses parents. L’étape suivante consistera pour l’enfant à s’enregistrer dans la salle de classe sans la présence du parent, puis à enregistrer une partie de la leçon, ensuite de chuchoter la leçon au parent ou à l’enseignant en salle de classe. Plus tard, on pourra prévoir que l’enfant chuchote la totalité de la leçon dans la salle de classe en présence de l’enseignant seulement, puis en présence de l’enseignant et de quelques élèves, jusqu’à l’obtention de la verbalisation généralisée. Dans l’idéal, on devrait utiliser les enregistrements lorsque l’enfant doit faire une présentation ou pour montrer à l’enseignant ce qu’il a appris. Il s’agit donc d’une accommodation pour son incapacité à parler.

Source : Comprendre le mutisme sélectif, Elisa Shipon-Blum, Chronique Sociale, 2009


Pourquoi les enfants souffrant de MS éprouvent de telles difficultés à communiquer et à arriver à parler à l’enseignant ?

Cela est facile à comprendre si on considère que l’enfant voit l’enseignant comme l’ultime figure d’autorité qui place une forte attente sur lui pour parler, participer et être performant. Ceci peut être tout à fait effrayant pour l’enfant souffrant d’anxiété sociale. Tant que l’enfant est en âge préscolaire, ce sont les parents qui détiennent le rôle de figure d’autorité. Dès que l’enfant intègre le milieu scolaire, il ressent la pression à partir du moment où il entre dans la salle de classe. L’enseignant pose des questions, dicte des règles, organise et mène les activités de la classe. Le rôle de l’enseignant est complètement effrayant pour l’enfant anxieux qui se sent submergé de peur quant à sa capacité à interagir dans ce lieu social. Il est très important que l’enseignant fasse tout de suite comprendre à l’enfant mutique qu’il n’est soumis à aucune pression pour parler.

Source : Comprendre le mutisme sélectif, Elisa Shipon-Blum, Chronique Sociale, 2009


Comment s’y prendre si un enfant doit faire une présentation orale ?

Selon l’âge de l’enfant, on peut faire appel à un camarade de classe pour lire la présentation de l’enfant. Travailler en binôme ou en petits groupes sera plus facile pour l’enfant. L’enfant peut aussi enregistrer sa présentation à la maison et faire écouter l’enregistrement en classe, ou seulement à l’enseignant, avec son accord. L’élève souffrant de MS peut aussi écrire sa présentation qui sera lue par le professeur ou un autre élève à l’ensemble de la classe. Au fil du temps, et lorsque l’enfant se sent de plus en plus à l’aise, il pourra faire face à de nouveaux défis. Le temps et la patience sont néanmoins nécessaires. Si on essaie d’aller trop vite et d’accélérer le processus, on ne peut qu’augmenter l’anxiété de l’enfant, provoquant une régression plutôt qu’une amélioration.


Faut-il faire redoubler un enfant dont le seul problème est le MS ?

Absolument pas ! Il est tout à fait inacceptable de brider un enfant intelligent, créatif et curieux en le faisant redoubler. Si l’enfant ne progresse pas de façon régulière, une réévaluation du programme d’aide devrait être faite immédiatement. Malheureusement, un grand nombre d’écoles basent leur décision de faire redoubler un enfant seulement sur le mutisme. Ceci ne devrait pas être le cas. Des évaluations et des tests non verbaux devraient être utilisés pour déterminer si l’enfant a les connaissances requises pour passer dans la classe supérieure. Il faut rappeler cependant que les évaluations de l’enfant devraient tenir compte de son anxiété autant que possible et les résultats des tests devraient être interprétés avec prudence. Les évaluations peuvent en effet s’avérer incorrectes ou trompeuses (voir le paragraphe sur les évaluations). De plus, les évaluations pour le passage au niveau supérieur se font souvent dès le début du printemps, pour l’année scolaire suivante. Si l’enfant est en cours de traitement, son niveau d’anxiété et ses capacités à interagir socialement pourraient changer de façon tout à fait considérable d’un mois à l’autre, surtout en ce qui concerne les très jeunes enfants. Un mois peut faire une montagne de différence. Par conséquent, nous recommandons de repousser la décision concernant le passage vers la classe supérieure le plus tard possible !

Source : Comprendre le mutisme sélectif, Elisa Shipon-Blum, Chronique Sociale, 2009


Une fois que l’enfant a commencé à parler à d’autres enfants de sa classe, comment transférer ce succès à l’enseignant ?

Le plus important est de supprimer toute pression sur l’enfant. L’enseignant ne devrait avoir aucune attente pour que l’enfant lui parle. Il est intéressant de noter que, lorsque les attentes de l’enseignant sont moins pressantes et que l’emphase est mise sur l’élaboration d’un rapport de confiance avec l’enfant, l’enfant se sent plus à l’aise et peut participer avec plus d’aisance dans la salle de classe. On renforcera ses progrès grâce à la méthode du Kit Ecole (voir Kit Ecole).


Que devrait répondre l’enseignant lorsque les autres enfants demandent pourquoi l’enfant atteint de MS ne parle pas ?

Ceci arrive très fréquemment. La chose la plus simple à faire est de demander à tous les enfants de la classe de faire une liste de toutes les choses qui leur font peur. Puis d’expliquer que c’est ce que l’enfant mutique ressent lorsqu’il doit parler, que cela est très effrayant et très difficile pour lui, mais que tout le monde peut lui venir en aide en ne lui posant pas trop de questions ou en faisant des remarques sur le fait qu’il ne parle pas.

Source : Comprendre le mutisme sélectif, Elisa Shipon-Blum, Chronique Sociale, 2009


Si l’enfant ne peut parler à aucune personne dans son école, comment faire pour que la verbalisation se mette en place ?

Pour permettre l’introduction de la parole en milieu scolaire, le recours à un intermédiaire verbal (ou médiateur verbal) qui va transférer la parole de l’enfant est d’un immense secours ! Il faut planifier avec beaucoup d’attention les moments que l’enfant passe seul dans l’école avec la personne avec laquelle il se sent le plus à l’aise, de façon à accroître son niveau de confort verbal dans le lieu Ecole. Cet intermédiaire est le plus souvent la maman ou le papa de l’enfant, ou un bon copain à qui l’enfant peut parler hors de l’école. Lorsque les parents peuvent passer du temps avant ou après les cours avec leur enfant alors que peu de monde est présent dans l’école, c’est une façon formidable de commencer ce procédé ! Nous vous renvoyons au document créé par notre association : Programme d’introduction progressive de la parole en milieu scolaire (Kit Ecole).


Comment les autres enfants réagissent-t-ils aux élèves souffrant de mutisme sélectif ?

Les enfants touchés par le mutisme sélectif développent d’habitude des amitiés avec des enfants de leur quartier, et souvent, avec quelques camarades de classe. Cela peut vous surprendre, car en tant qu’adultes, nous avons du mal à imaginer qu’une amitié puisse se former avec quelqu’un qui ne répond pas à vos questions, ne vous flatte pas, ou ne rit pas à vos blagues. Cependant, les jeunes enfants communiquent facilement de façon non verbale, semble-t-il, même avec un pair qui ne leur a jamais adressé la parole. Comme Sarah, les enfants souffrant de mutisme sélectif sont souvent appréciés par leurs pairs. Le fait que de nombreux enfants mutiques développent des amitiés avec au moins un petit groupe d’enfants est important, puisque cela montre que certains aspects de leurs développement social semblent normaux et que les relations avec d’autres enfants sont aussi importantes pour leur développement que pour les enfants non mutiques. D’autres enfants concernés par le mutisme sélectif, comme Peter, passent moins de temps avec leurs pairs, et ont donc moins d’occasions de s’entraîner à parler aisément et à travailler d’autres compétences sociales.

Dans la salle de classe, il arrive fréquemment de voir des camarades parler à la place de l’enfant atteint de mutisme sélectif. Certains pairs se prennent pour un porte-parole, parlant à sa place ou informant les nouveaux arrivés que l’enfant en question ne parle pas. D’autres enfants, en particulier pendant les années de l’école maternelle, se donneront un rôle protecteur et maternel envers l’enfant souffrant du mutisme sélectif.

Certains parents se demandent si leur enfant fera l’objet de moqueries ou de brimades. Il est normal que vous soyez inquiet, d’autant plus que la recherche montre que les enfants timides ont un plus grand risque d’être victimes de brimades (par exemple, Boivin, Hymel, and Bukowski 1995). Pourtant le peu de recherche sur le sujet qui existe suggère que les enfants souffrant de mutisme sélectif n’ont pas plus de probabilité d’être embêtés ou brimés que leurs pairs (Cunningham et al. 2004). On estime qu’environ 5 pour cent seulement des enfants touchés par le mutisme sélectif sont victimes de brimades (Kumpulainen et al. 1998), alors que jusqu’à 19 pour cent de la population générale des enfants fréquentant les écoles élémentaires américaines en sont victimes (Pellegrini, Bartini, and Brooks 2001). Bien que ces constatations semblent surprenantes, rappelez-vous qu’en étant mutique, l’enfant ne risque pas d’offenser ses pairs. De plus, les enfants concernés par le mutisme sélectif ne montrent pas un comportement perturbateur souvent vu chez les enfants victimes de brimades.

Cela ne veut pas dire pour autant que les enfants souffrant du mutisme sélectif ont les compétences nécessaires pour gérer toutes les situations sociales. En tant que parent d’un enfant qui ne parle pas dans certaines situations, vous connaissez bien sa lutte pour faire comprendre ses souhaits et ses besoins. Dans une étude récente, à la fois les parents et les enseignants ont chacun constaté que les enfants mutiques s’affirment moins que leurs pairs lors des situations où la parole est sollicitée (Cunningham et al. 2004)-, ils ont en effet naturellement moins tendance à s’intégrer dans un groupe, se présenter, débuter les conversations, ou inviter des copains à la maison.

Source : Aider son enfant à surmonter le mutisme sélectif, Angela McHolm ; Chronique Sociale, 2011, p 32


Quels autres troubles devraient être considérés ? Qui peut aider ?

Bien qu’il n’y ait pas beaucoup d’études scientifiques disponibles sur le sujet, nous avons observé que certaines conditions peuvent probablement contribuer au mutisme sélectif où le faire perdurer. En coopération avec des professionnels compétents, chacun des facteurs ci-dessous devrait être considéré.

Des difficultés d’orthophonie ou de langage

Les chercheurs suggèrent que certains enfants souffrant de mutisme sélectif pourraient aussi présenter des difficultés d’orthophonie et de langage. En tant que parent, avez-vous remarqué que votre enfant a du mal à exprimer ses idées, même dans un environnement familier comme à la maison ? Pensez à son langage et à sa parole, dans le passé ainsi qu’au présent. Quel âge avait-il quand il a commencé à prononcer des mots, des phrases partielles, et des phrases entières pour communiquer ? A-t-il appris à parler au même rythme que les enfants de son âge ? A l’heure actuelle, votre enfant est-il capable de bien s’exprimer par la parole ? Si votre enfant a des problèmes d’orthophonie ou de langage comme un retard de langage ou un problème d’articulation, un orthophoniste pourrait vous aider ainsi que les autres professionnels concernés à mieux comprendre les points suivants : sa façon d’articuler, sa capacité à utiliser les mots, et sa capacité à comprendre ce qu’il entend. Un bilan orthophonique pourrait également vous aider à comprendre comment des problèmes d’orthophonie ou de langage pourraient jouer un rôle dans sa peur de parler dans certaines situations. Dans le cas de Sarah, ses problèmes d’articulation ont été identifiés avant l’entrée à l’école et quelques séances chez l’orthophoniste lui ont été bénéfiques.

Des problèmes d’audition

Un petit nombre des enfants qui ont un mode de parole atypique comme le mutisme pourraient également souffrir de problèmes d’audition. Votre enfant a-t-il du mal à entendre les conversations dans les grands espaces ou en grande collectivité, comme à l’aire de jeux ou sur le terrain de foot ? S’il semble qu’il entende mal ou de façon inégale, nous vous conseillons d’en parler avec votre médecin généraliste ou pédiatre dans un premier temps. En général, nous préconisons un examen d’audition par un spécialiste ORL ou autre professionnel de santé qualifié.

Les capacités mentales et les difficultés d’apprentissage

Le mutisme sélectif a été signalé parmi des enfants de tous niveaux d’intelligence. Dans certains cas cependant, des difficultés d’apprentissage peuvent aussi exister. Si votre enfant ne parle pas librement à l’école, il sera difficile pour les enseignants d’évaluer ses progrès scolaires. Avez-vous remarqué que votre enfant a besoin de temps supplémentaire pour acquérir des nouvelles compétences ou qu’il oublie des choses récemment apprises ? Il sera important pour le professionnel avec qui vous travaillez de réfléchir sur la nécessité de lui faire passer des examens psychologiques pour identifier des difficultés d’apprentissages éventuelles. Un bilan pourrait ainsi vous aider à mieux comprendre la nature de ses problèmes d’apprentissage et à identifier des stratégies pour l’aider. Ce bilan pourrait également vous montrer comment ses difficultés d’apprentissage jouent un rôle dans sa peur de parler dans certains lieux.

Source : Aider son enfant à surmonter le mutisme sélectif, Angela McHolm ; Chronique Sociale, 2011, p 50-51